Je voulais vous montrer trois portraits de grandes dames de la Belle Epoque à l’occasion du 8 mars , car je trouvais que c’était l’occasion de tordre le cou aux fantasmes selon lesquels nos ancêtres étaient des femmes sages, jolies et muettes (le parfait objet décoratif quoi !). Donc après Madeleine Pelletier et Marguerite Durand, deux françaises, nous traversons la Manche pour aller vers Londres et découvrir la vie très inspirante d’Emmeline Pankhurst.

I wanted to show you three portraits of Edwardian great ladies for last march the 8th, because I wanted to dispel false ideas about how our ancestors were quiet, nice and mute (the perfect decorative object !). So, after Madeleine Pelletier and Marguerite Durand, two french women, we cross the Channel and go to London and discover the very inspiring life of Emmeline Pankhurst.

Emmeline est une bourgeoise née en 1858 dans une famille très engagée politiquement. Elle devient elle-même activiste dans le mouvement pour le droit de vote des femmes dès ses 14 ans et ne cessera jamais de l’être malgré les drames que cela causera dans sa vie. Elle créé le WSPU (Women’s Social and Political Union) en 1903, un groupe uniquement composé de femmes militant pour que les femmes aient une place identique à celle des hommes dans la vie politique de l’Angleterre du début du 20e siècle. Et elle va devenir le cauchemar du gouvernement britannique en quelques années !

Emmeline is a bourgeoise born in 1858 in a very politically active family. She becomes herself an activist when she is 14 years old, joining a group that asks for women’s vote, and she will never stop being an activist, despite dramas caused by her fight. She creates the WSPU (Women’s Social and Political Union) in 1903, a groupe made for women only that asks for women to have the same political rights than men at the start of the 20th century in England. And she will too become the british government’s nightmare in few years !

Les débuts. Elle fait un mariage d’amour avec un homme ayant plus du double de son âge, un avocat spécialisé dans la défense de suffragettes et ardent défenseur de la liberté de parole. Ils ont rapidement cinq enfants et toute la famille reçoit régulièrement des anarchistes (dont la française Louise Michel), des abolitionnistes de l’esclavage, des activistes socialistes, des humanistes et des radicaux. Emmeline fréquente de nombreux groupes qui luttent pour l’égalité homme/femme (pour la liberté d’entreprendre, pour le droit de divorcer, etc.) mais est refroidie par leurs idées qu’elle juge trop modérées. Elle est aussi témoin de la misère qui frappe les pauvres dans les « workhouses » (ce sont les camps de travail anglais pour les pauvres -un sujet passionnant si vous avez l’estomac bien accroché-).

The beginning. She loves and marries a man that was more than twice her age, a lawyer specialized in the defense of suffragettes and an ardent defender of the freedom of speech. They have five children and the whole family welcome anarchists (as the french Louise Michel), slavery abolitionists, socialist activists, humanists and radicals. Emmeline share her time with many groups that are fighting for men/women equality (entrepreneurial freedom, rights to divorce, …) but she is disillusioned by their too moderate opinions. She too witnesses high poverty in « workhouses » (it’s work camps for very poor fellows –a fascinating and horrible topic if you are not familiar with the concept-).

Le temps de la militance non-violente. Son époux meurt en 1898, la laissant avec ses 4 enfants survivants et pas mal de dettes. Emmeline rouvre sa boutique de tissus dans l’espoir de gagner un peu d’argent (c’est un projet professionnel qu’elle avait déjà tenté plusieurs fois). Elle fonde le WSPU en 1903, persuadée que le temps des paroles douces est fini :  » Des actes, pas des mots » devient son slogan. Elle fait signer des pétitions, diffuse une lettre d’information, organise des rassemblements et prend la parole publiquement, exhortant la foule à demander les mêmes droits pour hommes et femmes. Elle se révèle alors une excellente oratrice, capable de provoquer la ferveur de ceux qui l’écoutent. Et puis elle organise une manifestation au parlement, violemment réprimée par la police : enfin, les journaux parlent de son organisation. Elle comprend alors qu’elle aura une plus grande audience et que les choses changeront plus vite si elle se met à déranger l’ordre établi.

Non-violent militance time. Her husband dies in 1898, leaving her with her 4 surviving children and many debts. Emmeline reopens her fabrics shop to earn some money (it’s a professional project she already tried several time). She creates the WSPU in 1903, quite sure that time for soft words is over : « Deeds, no words » becomes her motto. She makes petitions, creates newsletters, organizes rallies and speaks to the crowd, urging people to ask for equal rights for men and women. She reveals herself as a great orator, able to rise people’s fervour. Then, she organizes a protest in front of the parliament and faces the police : finally, the press talks about her group. She understands she will have more attention and that things will change faster if she disturbs the established order.

Le WSPU passe à l’action. Les manifestations deviennent de plus en plus violentes, à mesure que les manifestantes n’acceptent plus d’obéir aux ordres de la police et de ses disperser. Certaines d’entre elles (dont les 3 filles d’Emmeline) finissent en prison. L’opinion public applaudit. Emmeline elle-même est arrêtée pour la première fois en 1908, après avoir essayé d’apporter une pétition au premier ministre : elle passe 6 semaines en prison, et témoigne ensuite des mauvaises conditions de détention (la vermine, la torture du confinement, la nourriture abjecte…) dans les journaux qui lui donnent enfin la parole. Elle frappe ensuite un policier dans le but d’être jugée une nouvelle fois : le procès est une merveilleuse tribune pour elle, tant il est médiatisé. Elle appelle désormais à la rébellion et dégrader les biens : « Il y a une chose à laquelle le gouvernement tient plus qu’à la vie humaine, et c’est à la sécurité des biens, et donc c’est à travers les biens que nous devons frapper l’ennemi… Celles qui peuvent casser des vitres : cassez-les ! Celles qui peuvent menacer encore plus l’idole secrète de la propriété, afin que le gouvernement réalise que la propriété est gravement mis en danger par le vote des femmes […] : faites-le ! Et mes derniers mots sont pour le gouvernement : j’encourage cette assemblée à la rébellion ! ».

The WSPU takes action. The feminist activists now refuses to obey the policemen and disperse, the protests become more and more violent. Some of them (including the 3 girls of Emmeline) go to jail. The public opinion applauds. Emmeline is arrested for the first time in 1908, for trying to give a petition to the prime minister : she spends 6 weeks in prison, and now talks about the bad detention conditions (vermin, torture of confinment, poor food…) in the press that gives her attention. She then strikes a policeman in order to be judged again : the trial is an amazing forum for her, as it’s highly publicised. She now calls for rebellion and for properties degradation : « There is something that governments care for more than human life, and that is the security of property, and so it is through property that we shall strike the enemy…. Those of you who can break windows : break them ! Those of you who can still further attack the secret idol of property, so as to make the Government realize that property is as greatly endangered by women’s suffrage […] : do so. And my last word is to the Government: I incite this meeting to rebellion! ».

L’opinion publique bascule. On découvre une bombe, de nombreux sabotages et départs de feux, beaucoup de fenêtres d’hommes politiques sont cassées. Les Pankhurst sont soupçonnées mais innocentes, elles apportent cependant leur soutien actif aux femmes qui ont perpétré ces actes. Emmeline, ses filles et sa soeur sont malgré tout très souvent emprisonnées (de même que de nombreuses suffragettes). Elles sont maltraitées par des foules d’hommes en colère qui les poursuivent, par les policiers pendant les manifestations, et emprisonnées (Emmeline est blessée, et sa soeur Mary Jane ne survivra pas à une détention très dure), mais ne lâchent rien. Emmeline décide de faire des grèves de la faim alors qu’elle est en prison afin d’être considérée comme une prisonnière politique et non plus comme une hors-la-loi, et est imitée par de nombreuses activistes. Le gouvernement décide alors que les nourrir de force : mais les images sont relayées dans la presse et choquent le public. Les suffragettes commencent à être vues comme des victimes d’oppression et le gouvernement est obligé d’arrêter de les gaver de force, il doit relâcher les suffragettes qui sont trop faibles pour supporter la détention et ces dernières reprennent leurs activités illicites dès qu’elles retrouvent la santé. Le message est clair pour le gouvernement : elles n’arrêteront pas tant qu’elles n’auront pas gain de cause. Emmeline tient bon, malgré des dissensions internes au WSPU (et jusque parmi ses filles) car certaines activistes refusent de soutenir les actions violentes.

The shift in public opinion. A bomb is discovered, many sabotages and fire starts are done, a lot of politician’s windows are broken. The Pankhursts are suspected but found innocents, however, they show their strong supports to the activists that did these actions. Emmeline, her daughters and sister are very often imprisoned (as many other suffragettes). They are being abused by men mobs, by policemen during protests, and imprisoned (Emmeline is hurt, and her sister Mary Jane dies after a hard detention), but they stay strong. Emmeline starts hunger strikes while in prison, because she wants to be recognised as a political prisoner and not as an outlaw. She is imitated by the other imprisoned activists. The government decides to force-feed them but it’s a catastrophic decision, as the press shows pictures that shock the public opinion. The suffragettes are now seen as victims of oppression and the government have to stop, the too weak activists are released and they restart their illegal activities when their health allow them to do so. The message is clear : they will not stop until having vote for women. Emmeline holds on, despite internal discords (even with her daugthers) because some activists don’t want to support the violent actions.

Rattrapées par l’histoire. Mais la 1ere Guerre Mondiale éclate, et Emmeline fait une trêve pour soutenir son pays pendant le conflit. Ses tournées et ses rassemblements sont désormais pour demander aux femmes de soutenir l’effort de guerre, elle aide aussi les veuves et les orphelins de son mieux (sur le plan privé, elle adopte 4 enfants malgré toutes ses dettes). Et la fin de la guerre est marquée par un premier succès : certaines femmes ont le droit de vote en Angleterre. Les conditions d’accès à ce droit sont sévères, mais elle considère que c’est un premier pas. Elle continue à militer politiquement à travers le monde, mais elle a vieilli prématurément à cause de ses nombreuses grèves de la faim et des blessures passées. Elle meurt en 1928, quelques mois avant que les femmes aient pour de bon le droit de vote en Angleterre.

Overtaken by history. But WW1 begins, and Emmeline make a truce to support her country during the conflict. Her tours and rallies are now to ask women to support the war effort, she too helps widows and orphans as much as she can (on a private point of view, she adopts 4 children despite all her debts). The end of the war is a first success : some women can vote in England. The restictions are numerous but she considers it’s a first step. She keeps on striving accross the world, but she is prematurely aged because of her numerous hunger strikes and former wounds. She dies in 1928, few months before women win the vote rights for real in England.

***

Voilà qui termine mon petit cycle de « femmes fortes de la Belle Epoque » : trois portraits et trois femmes aux trajectoires très différentes ! J’avoue avoir un gros faible pour Emmeline, sans doute car je ne peux m’empêcher de penser à la police qui a frappé une manifestation de femmes à Paris le 7 mars dernier, comme quoi l’histoire est un éternel recommencement.

This article finishes my small cycle of « strong women during the Edwardian period » : three portraits, and three women with very different paths ! I must admit that I am particularly partial to Emmeline, because I cannot avoid thinking of the police that beat a feminist protest in Paris last march the 7th : it is often said that history eternally repeats itself.

Portrait d’Emmeline vendu par le WSPU, aux couleurs du mouvement des suffragettes.
A portrait of Emmeline sold by the WPSU, with the suffragettes’s colors.

3 comments

  1. Quel courage ! je vais la rechercher dans les livres sur ma chère Louise Michel .
    Merci Fanny .
    Bises et calins à tous tes poilus (Louise Michel adorait les chats ; je vais nourrir mes pauvres sdf sous ma voiture à 5h du mat ‘, certains locataires pensent peut être que ce sont des pangolins )

  2. Merci Fanny, c’est un super article. J’aime beaucoup les 2 autres aussi mais celui là m’en a mis les larmes aux yeux. Je trouve ça dingue qu’il faille toujours en arriver là pour obtenir des choses.
    Merci encore de nous faire partager cela.

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