To english readers : Sorry, today I’ll write in French because I lack of time and because the subject is quite a frenchy problem. We have several very different jobs and people don’t always know what they refer to… That’s why I wanted to point out that all this jobs were quite different. 

J’avais proposé ce sujet sur ma page facebook au cas où ça intéresserait du monde et… il a été plébiscité devant bien d’autres, à mon grand étonnement sur le moment. Mais à bien y réfléchir, c’est vrai que le thème des métiers et des compétences est assez peu abordé parmi les passionnés de costumes. Peut-être par peur de froisser les différents corps de métier car il est toujours embêtant de mettre des étiquettes sur les gens et de juger des compétences de chacun ? Ou peut-être parce que dans le costume il faut être touche-à-tout et savoir sortir des cases ? La faute à sans doute un peu de tout ça… Mais comment s’y retrouver quand on débute dans le milieu ? Surtout qu’il s’y cache beaucoup de croyances erronées : ces trois métiers cachent en fait quatre métiers très différents, et même plusieurs dizaines de métiers si on commence à parler de spécialisation…

NB : Pour la petite histoire, j’ai choisi la première photo (ci-dessus, image de Pierre Morsard) car on y voit une costumière-corsetière (à gauche), un tailleur-costumier (au centre) et une costumière non professionnelle mais pas amateur pour autant (à droite). Je trouve que cela illustre bien le fait qu’on peut sans trop de soucis cumuler les étiquettes et même travailler de concert ! Souvent on s’imagine que les costumiers sont concurrents mais nous sommes plutôt collègues ! C’est aussi pour ça qu’il est important de connaître ses propres forces et ses propres faiblesses, pour collaboration plus efficiente.

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William Vincent Cahill, Grandma’s Gown (1912)

Mais avant tout, je souhaite rappeler plusieurs choses qui me semblent importantes :

1/ Je parle bien entendu du milieu du costume, pas du milieu de la mode.

2/ J’ai choisi d’utiliser les noms des métiers sous forme masculine pour simplifier mon écriture mais la plupart des couturiers et costumiers sont des femmes, et il y a de plus en plus de tailleurs féminins (alors que ces derniers siècles ils étaient masculins). Bref, ces métiers sont affaire de compétences acquises puis développées avant tout, pas de la taille d’un de vos chromosomes ! (espérons que le XXIe siècle corrigera ces croyances d’un autre âge).

3/ Pour simplifier je parlerai aussi de niveaux de compétences car chaque métier nécessite des compétences particulières et certaines de ces capacités se retrouvent chez plusieurs métiers mais à des niveaux différents. Cependant, croire qu’un métier est “supérieur” à un autre parce qu’il doit maîtriser les mêmes compétences mais à un plus haut niveau ce serait déformer mes propos : ce ne sont simplement pas les mêmes jobs et chacun d’entre eux est nécessaire dans le monde du costume. On néglige bien trop le travail des petites mains (y compris dans la haute couture) alors que sans elles il n’y aurait aucune mode.

4/ Je vais dire beaucoup de généralités un peu réductrices : nous sommes cependant bien d’accord sur le fait que je ne résume pas des personnes à un métier ! Je connais des couturiers qui ont de meilleures compétences de costumiers que certains costumiers, et des corsetiers incapables de coudre des rideaux : nous sommes dans un domaine artistique donc chaque créateur fera un travail qui lui est propre et sortira régulièrement des sentiers battus. Donc prenez mes paroles pour ce qu’elles sont : une base de réflexion, pas des vérités absolues.

5/ Je vais rester sur des lieux communs mais sachez qu’il existe beaucoup de spécialisations (dans certaines matières, certaines techniques, certains milieux…). Selon ce dont vous avez besoin il vaut mieux vous renseigner avant de confier une tâche à une personne en vous basant sur le nom de son métier : regardez ses créations précédentes par exemple, car à même “job” vous n’aurez vraisemblablement pas le même rendu selon la spécialisation de la personne. Par exemple : la déception vous guette si vous demandez un costume 100% historique à un costumier n’ayant fait que du costume de scène (fut-il très joli et très historique, ça reste du costume de scène avant d’être du costume historique). Et à l’inverse, votre costumier historique ne saura peut-être pas vous faire un costume qui se mettra en 5mn ou devra se laver en machine régulièrement.

Enfin, je ne parlerai pas des formations permettant d’accéder à l’un ou l’autre de ces jobs car ce n’est pas le sujet du jour (mais si ça vous intéresse alors je vous conseille de venir à la Convention du Costume les 10 et 11 décembre prochains car ce sera abordé lors d’une table ronde).

Le couturier

05_-costumierscreateur3Lorsqu’on parle d’un couturier dans le milieu du costume on considère qu’il s’agit d’une personne qui réalisera votre costume à partir d’un patron et de tissus définis à l’avance, il fera l’assemblage du vêtement. Il possédera des compétences de couture à un niveau expert (ce que n’aura pas forcément un costumier) mais peut ne pas connaître les volumes ou la retouche des patrons (ce qui est essentiel sur la plupart des costumes historiques) ou les tombés des matières.

 

 

 

Le costumier

The Fitting, Viktor Schramm (1900)
The Fitting, Viktor Schramm (1900)

Sous un même nom se trouvent deux métiers très différents, alors je vais les renommer pour simplifier les choses :

Le premier créé des costumes, c’est le costumier-créateur : contrairement au couturier, il sera habitué à réfléchir en amont du projet, à penser volumes et matières pour faire naître un personnage. On lui donne un budget, des spécifications, et il fait le reste (du sur-mesure généralement), n’hésitant pas à faire appel à des couturiers ou des tailleurs pour le seconder si besoin. Il doit donc maîtriser la couture (ainsi que le bricolage) au moins à un niveau intermédiaire, le patronage & la connaissance des matières à haut niveau, savoir gérer un projet et surtout savoir s’adapter aux contraintes de son client. [NB pour ne pas vendre trop de rêve à ceux qui idéalisent ce métier : s’il est à son compte le costumier passera sans doute plus de temps dans les devis, la compta et les factures que devant sa machine à coudre]

Le second n’a potentiellement jamais touché une aiguille de sa vie, c’est le costumier gestionnaire de projet (un costumier de tournage par exemple) : il gère toute la garde robe sur un projet. Il a des spécifications, un budget global, doit imaginer des costumes (qu’il fera réaliser, louer ou acheter tels quels) pour caractériser un personnage, superviser le tournage (stocks, habillage, raccords costumes entre les scènes, confort et sécurité des acteurs dans leur costume, etc.) et l’après-tournage (rendu des costumes, entretien…). Il fait surtout de la gestion de projet (budgets et visuels des costumes dans l’oeuvre sont de sa responsabilité) mais si c’est une petite production il doit pouvoir tout faire. Bien entendu c’est mieux de connaître les matières pour faire un bon boulot, mais ce n’est pas essentiel. La costumière du “Trône de Fer” ne sait pas coudre par exemple, et on ne peut pas dire qu’elle fasse du mauvais travail car elle sait s’entourer d’autres professionnels excellents dans leurs domaines : costumiers-créateurs, couturiers, tailleurs, brodeurs, habilleurs, etc.

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Pendant un tournage : une caisse de noeuds de chaussures, des chaussures et des armes… Tout est posé sur des tables pour que le costumier n’ait plus qu’à dispatcher les pièces de costumes par personnage aux habilleurs.

Maintenant je dois insister sur un point qu’on oublie souvent : le costumier est là pour répondre à une demande d’un client ! Si le client a une idée précise alors le costumier est là pour le conseiller mais pas pour le faire changer d’avis. Imaginons un réalisateur qui veut faire un film historique mais trouve les costumes d’époque “moches”, c’est alors au costumier de s’adapter à ses attentes. Je précise ce détail car on fustige assez rapidement un costumier alors que souvent il sait faire “mieux” (plus historique par exemple), mais ce n’est pas ce qu’on lui a demandé. Et puis souvent le costumier a d’autres contraintes en plus de la vision du client : contraintes financières (allez proposer de beaux costumes avec 200€ de budget -chaussures et perruques comprises- ?), contraintes pratiques (l’actrice refuse de porter un corset, la caisse des chaussures est bloquée à la douane,… ). Bref, ce sont des choses à comprendre avant de “basher” le pauvre costumier qui fait son travail du mieux possible. Mais il y a aussi des costumiers qui sont dépassés par le projet -souvent en croyant que l’on peut improviser du costume historique quand on a une formation de costume de scène, et inversement-. Par exemple le costumier de la “Reine Margot” a fait un travail magnifique (bien que pas historiquement correcte, c’est maîtrisé d’une main de maître) alors que celui de “Love & Friendship” m’a fait grimacer tout du long du film (c’est joli, il y a du budget, il y a de la recherche, mais la conception des costumes est mauvaise : ça plisse de tous les côtés car on a donné du travail de tailleur à des couturiers, et ça mélange la Belle Epoque avec le Regency sans l’assumer).

 

Le tailleur

Le tailleur, Giovanni Battista Moroni (1570-1575)
Le tailleur, Giovanni Battista Moroni (1570-1575)

Un tailleur fait du sur-mesure pour certaines coupes et certaines matières (pour résumer grossièrement). Un pourpoint renaissance ? Un costumier-créateur et un tailleur (et peut-être même un couturier) peuvent le faire car le patron est constitué de petites pièces. Une veste 18e ? Là ça se corse car le costumier-créateur peut le faire mais le rendu n’aura rien de commun avec le rendu d’un tailleur puisque les pièces du patron sont grandes (et sont autant de possibilité pour le tissu de plisser ou de s’affaisser). L’Art du tailleur est très particulier : la coupe est bien plus minutieuse, les techniques sont spécifiques (et se pratiquent souvent à la main) et une grande rigueur est nécessaire. Certaines personnes sont naturellement douées pour ça (ce qui peut expliquer que certains costumiers-créateurs y arrivent sans avoir étudié le tailleur), mais d’autres n’ont pas la rigueur nécessaire à ce travail (et n’y arriveront peut-être jamais). La plupart des tailleurs ont un apprentissage théorique important et ont passé des années à développer leurs compétences, et même malgré cela, ils passeront bien plus de temps à réaliser une commande tailleur qu’une commande de costume classique (ce qui explique que le prix n’est pas le même ! Parce que, oui, il y a un fait qu’on oublie souvent : un costume de marié coûte généralement bien plus cher qu’une robe de mariée à réaliser ! Et pour cause : la robe c’est de la couture alors que pour l’homme c’est du tailleur depuis des siècles).

Un tailleur doit être un expert en patronage car le costume doit tomber au millimètre près, en plus de maîtriser certaines techniques de confection très particulières. C’est d’ailleurs à ce détail qu’un connaisseur verra en une fraction de secondes si la personne qui a fait une veste maîtrise l’art du tailleur ou pas.

Pour la petite histoire, l’Angleterre a une longue tradition “tailleur” et il fallait 5 années de pratique à un tailleur pour maîtriser certains cols de veste du début du 19e siècle. Donc autant dire que ce n’est pas parce qu’on ne sait pas faire qu’on est mauvais ! Le tailleur c’est… un art compliqué. Il y a malheureusement beaucoup de couturiers et de costumiers qui croient que le tailleur c’est à portée de main sans l’avoir étudié ni pratiqué. Alors ils prennent la commande en y croyant sincèrement, et puis ils pleurent des larmes de sang devant la tâche pharaonique qu’ils découvrent en ayant les mains dans le cambouis. Je peux paraître un peu dure, d’autant qu’il faut bien commencer un jour et que si on ne tente pas alors on ne saura jamais le faire, mais dans ce cas-là mieux vaut se faire la main sur des petits projets amicaux que pour un client.

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Voilà pour la petite bafouille que je voulais faire depuis longtemps. N’hésitez pas à commenter car il y aurait beaucoup de choses à dire et à redire à cet article qui n’est qu’un petit résumé très grossier du monde professionnel liés au costume. Je rentrerai plus dans les détails dans les mois qui viennent.

En tout cas, pour TOUS les métiers il y a une chose à retenir :

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Graphistes et artisanat d’Art, même combat ! (même si pour ma part “Laid” ou “Lent” c’est “NON”)

4 comments

  1. beaux articles !
    votre dernière image est elle libre de droit ? je la trouve très parlante et “gratuit n’est pas une option” bien vu !
    j’ai été costumière indépendante pendant 15 ans dans le sud de la France … et le gratuit à tué le marché!

    1. Bonjour,
      Pour la dernière image : elle traîne sur pas mal de sites et blogs d’infographie, malheureusement la personne qui l’a réalisée n’a pas mis son “tag” donc impossible pour moi de retrouver son auteur (ni son site initial) pour le citer :'(
      J’espère que vous avez limité la casse face au travail gratuit ! Autant je comprends qu’on pratique une passion et qu’on ne fasse pas appel à un professionnel, autant casser un marché déjà précaire ça me dépasse vraiment… Le pire c’est qu’eux même hypothèquent leur santé et leur énergie en bossant pour ceux qui profitent d’eux…

  2. merci pour cet article tout à fait passionnant!
    J’ai appris plein de choses.
    Dommage que l’auteur de l’image ne se soit pas identifié(e). Je partage, mais j’aurais bien aimé lui rendre crédit…

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