Suite des mes emplettes à la salle des ventes Drouot le mois dernier… Mais avant tout un petit explicatif pour nos amis anglophones à défaut de pouvoir leur faire un billet aussi long que le vôtre ;
Here is a little text (in French, sorry !) about my last visit in an auction house (my husband’s nightmare !) where I discovered this silk dress “à la française” in 4 parts (ca. 1780) : “manteau de robe” with a Watteau pleat, skirt, corsage “fourreau” instead of the habitual stomacher (closed in the back with staples and in the front with a lacing), and a warm winter waistcoat (from wich I have no pics :x). As you’ll can notice on my photos, it has been modified one century later with horrible stitchings under the breast.
“Robe à la française à deux corsages, vers 1780, taffetas de soie abricot : manteau à plis Watteau et manches mi-longues garnies de falbalas. Corsage en pointe, baleiné, agrafé dans le dos et corps souple ou gilet sans manches à doublure ouatinée pour l’hiver, jupon simple, (petite taille, quelques tâches, jupon agrandi). Provenance : propriété des environs de Nîmes. Estimation : 1200/1500€.”
OK. Je n’ai pas enchéri dessus, mais je dois avouer que j’ai essayé de la photographier un maximum afin de pouvoir vous en parler un peu avant qu’elle ne finisse dans une collection privée… Voici donc la robe, faite en soie sauvage (aussi appelée dupion aujourd’hui, mais contrairement à la matière moderne il est solide !) de couleur “saumonée” :
Il faut noter qu’elle a été modifiée un siècle après sa confection (soit pour pouvoir la porter lors d’un bal paré soit pour porter dans la vie de tous les jours la mode fin 18e pouvant très facilement s’adapter à l’époque des tournures -je me plais d’ailleurs à penser que l’évolution du costume serait passé directement aux robes à faux-cul si la révolution n’avais pas eu lieu !-), on lui a ajouté deux coutures sous la poitrine si typiques de la 2e moitié du 19e siècle. Il est possible que l’on ait aussi allongé le jupon à cette même période…
Cette robe est constituée de 4 parties :
1. La jupe,
2. Le gilet d’hiver ouaté (porté sous le corsage visible ici, donc malheureusement je n’en ai aucune photo mais je pourrai vous en parler un peu car il y avait une toute petite photo sur le catalogue de la vente),
3. Le corsage agrafé dans le dos et lacé sur le devant, ce qui permet de déduire que dans ce cas-là c’est une robe fourreau qui est portée sous le manteau à la française (petite dédicace aux “anti-fourreaux” qui ont du mal à accepter que ça puisse avoir été porté par des adultes au 18e siècle, alors sous une robe à la française… :-p),
4. Le manteau de robe à pli Watteau (ce qui en fait une “robe à la française” -je précise pour éviter de perdre les débutants en histoire du costume-).
La Jupe
Le jupon est très simple, aucun falbala d’aucune sorte dessus, et est non doublée. Elle est faite en plusieurs laies de tissu (car à l’époque ces derniers étaient assez peu larges). On l’a rallongée au 19e siècle sans doute (vu la décoloration du tissu) en défaisant la ceinture de la taille : si aujourd’hui on laisse moins d’1cm en marge de couture, il était fréquent à l’époque de laisser de grandes marges (d’après les costumes d’époque que j’ai pu observer). Une fois la taille décousue, une nouvelle ceinture de coton à été posée pour remonter la taille de 10cm environ. Il est “amusant” de constater que ces 10cm sont bien plus sombres que le reste du jupon (oui, je sais, on ne le voit pas vraiment sur mes photos), ce qui permet d’imaginer que le vêtement était d’un joli rose saumon très pimpant au 18e siècle.
Détail de la jupe. Quelques tâches de vins faites par la demoiselle du 19e (ah, ça n’arrive pas qu’à moi !) |
Détail de la nouvelle ceinture avec ses plis plats… (On voit bien la modification de la forme du bustier sur cette photo avec les 2 hideuses coutures de sous-poitrine) |
Les ruchés
Les ruchés sont ces petites décorations fanfreluches-like que l’on trouve sur la plupart des robes de cour, ils sont appelés ainsi car à l’origine ils forment une structure faisant penser à un nid d’abeille (bon, ok, le nid d’abeille est “un peu” aplati sur ces photos car elle a sans doute été mal stockée). Sur cette robe, on en trouve sur le corsage (tout le long de l’encolure et sur une bande cachant un laçage sur le devant, ainsi qu’en bas) et sur les manches du manteau de robe (miam !). Commentaire post-diffusion du billet : monsieur J. Laboureau me souffle aussi dans l’oreillette que les manches présentent des bouillonnés entre les ruchés.
Vue d’ensemble des ruchés |
Détail des ruchés du corsage ainsi que la dentelle posée à l’encolure sous ces ruchés. |
Détail des manches du manteau de robe (avec les ruchés et donc les bouillonnés) |
Le manteau de robe
Il est fait pour être porté avec de petits paniers et n’est doublé que sur sa partie supérieure. Ses manches arrivent au niveau du coude (et sont donc garnies de ruchés comme nous l’avons vu précédemment). Le devant présente des plis plats entourant le corsage. Le pli dans le dos est ce qu’on appelle communément un pli Watteau. Et le manteau présente des trous permettant d’accéder aux poches. Bref, c’est un manteau de robe à la française assez basique !
Le manteau de robe : côté face. |
Détail du pli du dos fixé sur deux niveaux (au col et une dizaine de centimètres plus bas) |
Détail de la double fixation du pli, le haut des manches est froncé et l’on voit la naissance des plis tombant sur le devant. |
Ici on voit mieux “l’empilement de plis” dans le tombé du manteau de robe |
Là on voit la doublure intérieure du manteau de robe (uniquement au niveau du corsage) |
Doublure : suite et fin. |
Accès aux poches |
Accès aux poches (bis) |
Le corsage
Car ici point de pièce d’estomac, un corsage ! Je dois avouer que personnellement je préfère toujours faire ainsi sur mes propres costumes car les pièces d’estomac c’est très difficile à positionner quand on est seul (et j’ai toujours le chic pour les mettre de travers !). Ici ce qui est amusant c’est que le corsage se ferme à la fois sur le devant et sur le dos : agrafes derrières et laçage de face, une excellente façon d’ajuster le corsage selon la manière dont on a serré son corps. Comme un lacet visible c’est moche (objectivement, c’est moche, et le 18e déteste les trucs moches), une bande garnie de ruchés peut s’épingler devant (cachant le laçage et les points de couture qui tiennent les boucles de métal faisant office d’oeillets).
La bande de ruchés pour cacher le laçage… |
On voit les baleines qui entourent le laçage (car chose importante : jamais de laçage sans baleines à côté, sinon ça plisse de partout) |
Là on voit les boucles en métal (ça semble être la partie femelle d’agrafes) |
Re-boucles de métal |
Le dos est en pointe aussi sous le manteau… |
Et on voit un peu les agrafes du dos du corsage (et de la jupe) |
Le gilet
Bon, là je n’ai pas d’images (on le voit un peu sous le laçage sur la photo suivante), mais globalement il ressemble un peu aux brassières qui deviendront typiques pendant les 20 années suivantes (formant une sorte de coeur-croisé dont le pan droit recouvrir le pan gauche). Le devant n’est pas pointu du tout, afin d’être tout à fait invisible sous le reste de la robe.
Arffff, là on voit le gilet d’hiver en dessous des lacets… |
Et voilà pour ce soir, la prochaine fois : les deux corps de la vente…
Si tu avais lu mon blog aujourd'hui Fanny… je ne suis plus anti-fourreau. Par contre, si le corsage n'est pas attaché à la jupe, ce n'est pas un fourreau, c'est un corsage, appellation attestée d'époque dans les magazines.
Pour la robe, je pense que tu es passée à côté du principal : c'est une robe de femme enceinte !! D'où les fermetures avant et arrière et le gilet plus large en dessous pour recouvrir le ventre qui grossit. Typique des vêtements de femmes enceintes, j'en connais au moins deux d'époque qui fonctionne sur ce système. Je te renvois vers l'ensemble piqué de Green Martha qui est la repro de l'un d'entre eux.
En tout cas, cette robe est une trouvaille géniale.
Si, si, je l'ai lu attentivement (d'ailleurs ça me fait penser que j'avais pas encore posté une remarque, j'y vais juste après 😀 ).
Et justement, tu cites : "on peut juger que les nouveau fourreaux ne sont plus lacés par devant & qu'ils sont séparés comme pourraient l'être les robes. Ce sont actuellement des jupons auxquels on a attaché des corsages de robe." Donc c'est bien un corsage et le tout forme un fourreau d'après ce texte —> donc les 2 appellations sont justes à mon sens.
Pour la robe de grossesse, j'ai un doute à cause de la bande de ruchés qui cache le laçage. Ce n'est pas logique d'avoir mis cette bande qui devient plus inesthétique qu'un simple laçage une fois le ventre développé. Bref, pas convaincue !
Mince, tu as supprimé la possibilité de mettre un commentaire :'( ou j'ai peut-être mal regardé ? Bon, du coup je poste ma remarque ici. Tu dis dans ton dernier billet :
"le laçage dans le dos, pour des robes XVIIIe, beurk, pas bô !"
Je suis totalement d'accord, mais on ne le voit pas plus qu'un laçage de corset qui lui est très souvent dans le dos… Pour moi si corsage avec laçage dans le dos = forcément un manteau de robe.
Ceci dit j'attend la suite de ton argumentation avec impatience sur les fronts-zones 😉
Très intéressant cette analyse, merci !
Je serais trèèèèès prudente avec une robe de ce type, visiblement modifiée au moins une fois, c'est un peu construire une argumentation sur du sable mouvant.
Le corsage a été modifié au moins par l'ajout de pinces, on peut imaginer qu'on a rajouté une bande de plissé sur la partie droite, ou enlevé son symétrique sur la partie gauche.
Il est possible qu'au 18° on ait employé un reste de tissu pour faire un haut d'anglaise à une robe qui était à la base une française. Ce serait étrange qu'on n'aie pas directement découpé le manteau de la française, mais pas impossible.
Le gilet molletonné me fait sérieusement penser à une tenue de grossesse aussi, cf. l'ensemble piqué de Williamsburg, et la référence à un gilet d'homme chaud dans l'article de Linda Baumgarten "Fashions of motherhood" (oui bah je suis en plein dans les recherches sur le sujet 😉 ) Je parierais plutôt sur ce cheval-là personnellement. Tu m'autorises à renvoyer vers tes photos le jour où je finirai mon article ?
Non, Fanny on peut commenter sans problème. A moins d'un bug blogger, je ne sais même pas comment bloquer les com', j'ai pas regarder.
Tu n'as pas compris le texte 18ème : "séparés comme pourraient l'être les robes", ça veut dire séparés devant pour former l'ouverture de zone comme sur les robes à l'anglaise. Cette façon d'exprimer l'ouverture de zone est utilisée une ou deux fois ailleurs dans le Magasin des Modes. Ils précisent par ailleurs clairement que le jupon est "attaché" : cousu !
Si je te précise ça, c'est parce que la mention de corsage seul existe (argumentation 2 à venir). Pour les robes fourreau, ils ne les mentionnent JAMAIS sous les zones. C'est même étonnant, je pensais en trouver au moins un exemple. Mais non. Du coup, je suis en désaccord avec ta dernière remarque : les 3 exemples très clairs que j'ai trouvés qui se ferment sans doute dans le dos, ont justement le dos bien visible. On ne porte rien par dessus.
Mais un corsage et un jupon séparés sous le manteau, ça se fait, ce n'est pas le plus courant, mais ça se fait.
Oh, j'avais zappé que ça vient de Provence en plus ! Le manteau me fait penser à des morceaux de costume régionaux (droulet). Du coup encore plus prudente.