Aujourd’hui je vais vous faire une critique de l’exposition « Fashion Forward » au Musée des Arts Décoratifs. Petite précision avant que vous estimiez que je m’acharne gratuitement contre cette exposition : je l’ai aimée, et si vous n’avez pas pu aller la voir avant ce dimanche (14 août) alors c’est un grand dommage pour vous car elle était réellement à voir. Cependant, quelques points m’ont réellement chagriné car comme beaucoup d’entre vous le savent j’aime vraiment ce musée qui est pour moi une référence mondiale, et des erreurs commises (ou facilités ?) sur cette exposition sont assez difficilement excusables sur un musée de l’envergure des Arts Décoratifs. Je les aurais acceptées sur un petit musée n’ayant pas les moyens de faire venir un historien du costume, là j’ai eu beau retourner les données dans ma tête depuis mon retour de l’exposition, rien n’y fait : montrer des choses erronées aux visiteurs, ça me pose problème. Mais j’y reviendrai plus tard. En attendant, vous trouverez dans cet article un rapide descriptif de l’expo, ce que j’ai aimé, mes bémols et enfin mes cartons rouges.
[Et pour voir toutes mes photos, c’est ICI que ça se passe !] |
I’ll write an exhibition review for « Fashion Forward » in Paris Arts Décoratifs museum today. Just a clarification before thinking I desesperatly pick on this exhibition : I liked it, and if you did not manage to go and see it before it ends this sunday (august, the 14th) then it’s too bad for you because it really worthed seeing it. However, some aspects saddened me for real. I really like this museum, which is a world reference, but some mistakes (or eases ?) made on this exhibition seem hardly forgivable for a museum of this scale. I would have closed my eyes for a small museum that cannot afford a costume historian, but not here : showing false informations is a problem for me. But I’ll talk about it later. This article will first tell you more about the exhibit itself, what I liked, my dampers and my red cards. [And if you want to see all my photos, it’s all HERE !] |
De quoi ça parle ?« Fashion Forward » c’est 300 silhouettes choisies parmi les 150 000 pièces de la collection des Arts Décoratifs (AD) et de l’Union Française des Arts du Costume (UFAC) pour représenter la mode parisienne de 1715 à 2016. Contrairement à ce que son titre pourrait laisser penser, il s’agit donc bien de mettre à l’honneur la création hexagonale à travers les derniers siècles. |
What is it talking about ?« Fashion Forward » it’s 300 silhouettes chosen between the 150 000 items collected by the Arts Decoratifs (AD) and the Union Française des Arts du Costume (UFAC) to show the parisian fashion from 1715 to 2016. That’s why it’s all about french fashion through centuries (despite an english title). |
Ce que j’ai aimé– Des pièces très bien choisies et plutôt représentatives de leurs périodes. De plus toutes les époques m’ont semblé correctement représentées (que ça intéresse ou pas est pour moi hors sujet), |
What I liked – Very well chosen items, quite representative of their periods. And all this periods where correctly displayed, |
Mes bémolsPour résumer je suis ressortie de mes visiteS (au pluriel car j’y suis retournée plusieurs fois avant d’écrire cet article) avec l’impression désagréable que la scénographie primait bien plus que le contenu pédagogique dans la plupart des pièces, au point que la rigueur scientifique était parfois mise entre parenthèses parce que c’était plus joli comme ça. – Beaucoup de pièces présentées en hauteur (notez que mes 1m80 ont apprécié, mais toutes les femmes aux tailles plus classiques ont raté pas mal de choses). |
My dampersAfter my visitS (I went there more than once before writting this article) I had this horrible feeling that the stage design was more important than the pedagogical content in most of the rooms, even that scientific rigor was silenced because it was nicer this way. – A lot of items were displayed very high (notice that I liked it as I am very tall, but all the women who went there with me were frustrated because they didn’t see the whole things to see).
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Mes cartons rouges (et ce n’est pas de gaieté de cœur)(voir les photos qui suivent pour mieux visualiser mes propos) Certains mannequinages sont AFFREUX. Là où ça m’a choqué c’est que 95% des mannequinages sont parfaits, et même plus réussis que ce qu’on voit habituellement (c’est toujours compliqué de mannequiner du costume historique car les volumes sont très différents des volumes modernes du corps, et nous avons ici de nombreuses silhouettes faites avec un grand soin). Des bustes ont été créés pour avoir la présentation parfaite. Et pourtant, c’est émaillé de catastrophes que je n’arrive pas à m’expliquer. J’ai visité en fin d’expo : ça en faisait des soirées et des nuits pour corriger ces grosses erreurs… Laisser passer ça ce n’est pas très sérieux pour un musée. Et puis c’est truffé d’erreurs. La question que je me pose est la suivante : est-ce délibéré ou pas ? Je m’explique : ce ne sont pas des erreurs d’inattention ou que seul un spécialiste peut voir, non, ce sont des erreurs subtiles qui permettent d’en mettre plein les yeux aux visiteurs en mettant en valeur la bizarrerie de nos ancêtres. J’avais déjà reproché à l’exposition « la mécanique des dessous » de faire passer des exceptions pour des règles générales par un savant flou artistique, mais je trouve que cette dernière exposition fait un pas de trop dans le « on s’en fiche des faits scientifiques, c’est plus cool comme ça ! ». Je sais bien que les personnes en charge de l’exposition ne sont pas toutes des historiens du costume, mais il y en a bien au moins un dans l’équipe, non ? Si c’était pour ne pas l’écouter alors pourquoi faire une exposition de costumes historiques ? |
My red cards (but I am not cheerful by doing this)(See the photos below for examples of what I am saying) Some clothes have no shapes, as they seem to have been dropped off the mannequins. I was shocked as more than 95% of the mannequins are perfect, maybe better than ever (it’s difficult to dress mannequins with antique clothes as the body shapes are not the same at all than today’s shapes). Some busts have been created to get the perfect shape. But some disasters can be seen, and I cannot explain that point. I visited the exhibition lately : they had evenings and nights to correct the mistakes… I don’t understand how the Art Décoratifs could let it be this way, that’s not very serious for a museum. And it’s stuffed with errors. I wonder if they are mistakes or deliberate ? I explain : it is not about errors of inattention or errors that only a specialist can see, no, they are subtle errors which allow to amaze the visitors by emphasizing the oddity of our ancestors. I already blamed their exhibition « La mécanique des dessous » to make as if some exceptions were main rules by a soft focus in explanations, but I find that this last exhibition goes to far in the « we don’t care scientific facts, it’s cooler like that! ». I know that the people in charge of the exhibition are not all fashion historians, but there is at least one in the team, isn’t it? If he/she was going to be silenced then why making an exhibition of historical costumes? |
Voilà, vous savez tout… Cela reste une chouette exposition à faire malgré tout ! Espérons simplement que les Arts Décoratifs organiseront leurs prochaines expositions avec la rigueur attendue pour un musée. *** A venir sous peu : la critique de l’exposition « Anatomie d’une collection » à Galliera avant 10 jours. J’espère que la toute nouvelle ergonomie du blog vous plait ? Il me semble plus clair et plus facile d’utilisation. J’en profite pour remercier une nouvelle fois mes tippeurs grâce à qui ce blog existe ! |
You know all I think about this exhibition… It’s still a good exhibit to see ! I just hope that the Arts Décoratifs will organize their next exhibits with more rigor. *** Coming soon : « Anatomie d’une collection »‘s review (a costume exhibition in Galliera museum). I hope you like the new blog’s ergonomy ? It seems simpler to me. I too want to thank all the people who tip me, this blog exists thanks to you! |
On peut constater que la présentation prime sur le sujet, une fois de plus. Quant aux erreurs dans les expos, ça devient malheureusement très courant. On-t-ils fait appel à une personne comme toi, vraiment bien spécialisée pour faire leur expo? J’en doute… L’expo de Galliera sur la comtesse Greffulhe m’est restée en travers de la gorge… Des caisses pour présenter des costumes anciens, dans une salle pareille, en totale adéquation avec l’époque de la comtesse, il fallait y penser! Et la vie de la comtesse résumée à trois fois rien, presque présentée comme un fashion victime pleine de fric! Naturellement, les gens des arts déco, qui ont dû beaucoup travailler pour faire cette expo, te diront que tu es une « puriste »… Moi, j’aime les « puristes » comme toi qui savent vraiment de quoi elles parlent… Et que dire des expos catastrophiques du genre ‘les aleliers d’artistes » présentée au Petit Palais? Du grand n’importe quoi!
En fait j’ai l’impression qu’on va vers des expos « bloc busters » afin d’attirer le plus grand monde possible en misant sur le « bling bling » et le buzz. Pourquoi pas ? Mais le faire au détriment de la rigueur scientifique c’est s’éloigner un peu de la mission d’un musée (car pour les Arts Décoratifs il y a une mission scientifique dès qu’on parle costumes anciens).
Vouloir mettre en scène des vêtements anciens pour s’éclater dans une approche 100% artistique et ne pas avoir à s’encombrer de la véracité du message pédagogique, là encore : pourquoi pas ? Mais dans ce cas-là l’exposition doit se faire au Palais de Tokyo, à Beaubourg, etc. Bref, un lieu dont la mission est totalement artistique… et assumer que la véracité n’est pas le but de l’expo.
Bonjour Fanny, Un vrai plaisir pour moi de lire votre pertinente chronique. Pour ma part j’ai aimé l’expo dans son ensemble même si je suis restée quelque peu sur ma faim. Il faut reconnaître qu’un effort de scénographie a été fait. Comme vous je suis toujours déçue par le mannequinage des musées français toujours réduit à sa plus simple expression alors que tant de jolies choses pourraient être réalisées. Mon carton rouge personnel concerne la période moderne. Que de mauvais choix qui semblent fait au hasard sans aucune expertise ; un déballage de looks sans queue ni tête ne représentant ni les créateurs exposés ni les époques concernées. Une accumulation de pièces caricaturales et ridicules sorties dont ne sait ou qui, déjà en leur temps, étaient passées sur les podiums sans laisser de trace si ce n’est le désintérêt des journalistes spécialisées. Une bien médiocre image pour la capitale de la mode. Voilà c’est dit !
J’attends avec impatience votre avis sur l’expo du Palais Galliera sur laquelle à mon avis il y a beaucoup à dire…
Bonjour Sylvie,
Merci pour le petit mot 🙂
J’avoue que… je n’y connais pas grand chose passé 1914, du coup je n’ai pas trop osé commenter cette partie-là. Une chose est sûre : la mode masculine est morte après le 18e ! (et définitivement enterrée sur le 20e avec seulement 2 silhouettes : une années 30 et le Thierry Mugler).
Bonjour Fanny,
Merci du cadeau de cette exposition que, sans vous , je n’aurais jamais vue!
La (bonne) critique, c’est très précieux et pas toujours facile car on s’expose.
Elle permet aussi à des personnes comme moi, qui n’ont aucune connaissance en matière de costume historique, d’en apprendre davantage.
Non, le spectacle n’a pas toujours raison et vos remarques ont pour moi une valeur : depuis que je vous lis, je visite une exposition avec un regard plus septique , en tous cas bien moins naïf.
Oui, un musée, c’est d’abord une école!